Les oiseaux
La création de la réserve, par convention de droit privé entre la SCI et le GONm en 1987, a permis d’assurer un suivi et une surveillance des effectifs d'oiseaux sur l'archipel. La convention a été renforcée par un arrêté préfectoral interdisant l’accès aux îlots toute l’année (sauf de fin juillet à septembre).
L’archipel est désigné en ZPS (Zone de Protection Spéciale) depuis 1988.
Depuis la découverte des colonies d’oiseaux de mer de Chausey à la fin des années 1950 par Camille Ferry, des évolutions importantes des effectifs nicheurs et des espèces présentes ont été observées, grâce à un suivi continu des peuplements mis en place depuis 1967.
Le GONm mène de nombreux recensements sur la réserve toute l’année et y conduit des études plus poussées, études concernant le grand cormoran, le cormoran huppé, le goéland marin, le tadorne de Belon, l’huîtrier-pie, mais aussi les nicheurs terrestres de la Grande Île et aussi les relations entre canards marins et bouchots à moules. Plusieurs de ces études ont fait l’objet de publications dans des revues scientifiques d’audience internationale et de plusieurs mémoires dont deux thèses universitaires.
Inventaire ornithologique de la réserve
243 espèces ont été recensées sur la réserve : c’est dire la richesse des lieux !
Ce sont surtout les oiseaux marins et de rivage en période de nidification qui constituent l’intérêt ornithologique majeur de l’archipel :
- premières colonies françaises de cormoran huppé, de goéland marin et d’huîtrier-pie ;
- seul site français de nidification du harle huppé ;
- mais aussi colonies de grand cormoran, goélands argenté et brun, de sternes pierregarin, parfois caugek, exceptionnellement de Dougall ;
- nombreux nicheurs de tadorne de Belon,
- etc.
Sur la Grande Île, grande richesse en passereaux nicheurs dont la plupart présente une familiarité avec l’homme tout à fait exceptionnelle.
En période internuptiale, le mois d’octobre permet l’observation d’oiseaux rares en halte migratoire.
Et, en hivernage, nous noterons à côté de la présence de la bernache cravant et de nombreux limicoles "classiques", la présence hivernale régulière du chevalier aboyeur et du courlis corlieu.
Quelques espèces emblématiques de Chausey
Grand cormoran
- Population nicheuse de Chausey : 153 couples (moyenne sur 2010 à 2019)
- Population hivernante de Chausey : 13 individus (sur 7 recensements réalisés lors des mois de décembre)
À Chausey, le grand cormoran est l’espèce pour laquelle la réserve ornithologique a été initialement créée.
La reproduction du grand cormoran commence très tôt à Chausey, avec les premiers nids construits à partir de la mi-janvier, et se termine tard avec l’envol des derniers jeunes à la mi-août. Les colonies sont bâties au sommet de grands îlots présentant un couvert végétal. D’une année sur l’autre, les colonies peuvent se déplacer d’une extrémité à l’autre du même îlot ou abandonner un îlot pour un autre.
Le nombre de couples nicheurs a considérablement changé depuis la découverte de la colonie à la fin des années 1950 : progression de 1960 à 1990, déclin depuis. Depuis le maximum de 1994, les effectifs ont été divisés par trois.
Le déclin des effectifs nicheurs de grand cormoran est net ces dernières années. Les causes n’en sont pas claires :
- Cette baisse a commencé alors que le ministère autorisait le tir des grands cormorans en hiver ;
- Le dérangement sur les îlots où nichent les grands cormorans : l’accroissement des dérangements dus à la plaisance. Un dérangement n’est pas synonyme de destruction immédiate de la couvée mais entraîne un départ très rapide des adultes et un retour tardif après le départ des intrus, contrairement à d’autres espèces comme les goélands qui reviennent plus vite. La couvée laissée seule assez longtemps est de ce fait plus vulnérable aux intempéries et aux prédateurs ;
- Une diminution éventuelle des ressources alimentaires, mais les suivis de productivité tendent à montrer qu’elle n’est pas mauvaise, donc pas due à de mauvaises conditions de reproduction au moment de l’élevage des jeunes ;
- Influence négative des tempêtes de fin d’hiver et du début du printemps : en effet, plus précocement, au moment de l’installation des couples nicheurs, on constate pour les années 2014 à 2017, une très forte synchronisation de la nidification, phénomène inhabituel, les nicheurs ne s’installent plus après mars. Ainsi, pendant l’hiver 2013-2014, de violentes tempêtes successives auront eu un fort impact : des nids observés sur le Petit Romont dès le mois de janvier, ont été détruits après une tempête en février. Les coups de vent suivants, en empêchant toute nouvelle installation, ont eu pour effet un retard de la saison de reproduction et une synchronisation inhabituelle des pontes et de l’élevage des jeunes. Le phénomène s’est reproduit en 2015, 2016 et 2017 ;
- Une concurrence avec le cormoran huppé ?
Le seul facteur sur lequel on puisse agir localement est d’assurer la quiétude des sites de reproduction et de veiller strictement à ce qu’aucun dérangement ne soit possible de janvier à juillet. Plus généralement, il faudrait pouvoir suspendre le tir en période internuptiale des oiseaux de Chausey par exemple en Vendée ou sur le cours de la Loire.
Cormoran huppé
- Population nicheuse de Chausey : 921 couples (moyenne 2010-2019)
- Population hivernante de Chausey : 794 individus
Avec plus de 1 000 couples dénombrés certaines années, la population a atteint le seuil de 1 % de la population mondiale ; la population de l’archipel se maintient à un haut niveau, et la tendance à long terme est toujours celle d’une croissance qui devrait se poursuivre. Il faut souligner que l’archipel des îles Chausey est le principal site français de nidification du cormoran huppé.
En période internuptiale, les décomptes réalisés en 2009 avaient donné un effectif de 2 000 cormorans huppés hivernants, effectif non retrouvé depuis, essentiellement en raison de l’accroissement de la fréquence des tempêtes qui rend de plus en plus difficiles certains recensements hivernaux comme ceux des cormorans aux dortoirs à Chausey où il est intéressant de noter que le nombre de sorties annulées en raison des conditions météorologiques croît, indice d’une augmentation de la fréquence de ces tempêtes.
Tadorne de Belon
- Population nicheuse de Chausey : de l’ordre de 40 à 50 couples
- Population hivernante de Chausey : 13 individus en décembre et 33 en janvier (moyenne sur 9 hivers)
Le tadorne niche sur les îlots, le plus souvent en situation dissimulée sous la végétation. Dès l’éclosion les jeunes sont conduits en baie du Mont Saint-Michel où ils se nourrissent sur la portion de vasières que le mâle avait définie puis participent à la constitution des crèches. Seuls les adultes à Chausey se nourrissent sur les vasières de Chausey ; cependant, depuis qu’il existe une station de lagunage à la ferme, des familles y sont élevées. Les derniers tadornes quittent l’archipel au début du mois de juillet pour aller muer au large de l’embouchure de l’Elbe, en Allemagne. Ils ne reviennent dans l’archipel que début novembre.
Les tadornes nichant en position dissimulée sous la végétation peuvent être soumis à la prédation des rats, en particulier dans les secteurs dérangés. La dératisation prévue sera une mesure salutaire pour cette espèce. Les familles peuvent être l’objet de la prédation des goélands pendant le temps bref où elles n’ont pas encore quitté l’archipel.
Harle huppé
- Population nicheuse de Chausey : 2 à 3 couples
- Population hivernante de Chausey : 30 individus en moyenne
Le harle huppé est un nicheur particulièrement rare en France : la réserve de Chausey est le seul site français de nidification de l’espèce, très au sud des sites les plus proches qui se trouvent au sud des Pays-Bas (lui-même déjà très au sud des plus proches) et au Pays de Galles.
Cette reproduction est annuelle depuis l’année de la découverte, mais pas toujours couronnée de succès comme le montre le tableau suivant :
Huîtrier-pie
- Population nicheuse de Chausey : 220 couples
- Population hivernante de Chausey : 600 individus
La population nicheuse d’huîtrier-pie sur Chausey est d’une grande stabilité au cours des dix dernières années. L’archipel des îles Chausey est le principal site français de nidification de l’huîtrier-pie suivi à quelque distance par l’archipel de Molène, bien loin devant tous les autres sites français de reproduction.
+ d'infos sur cette espèce en cliquant ici.
Goéland marin
- Population nicheuse de Chausey : 733 couples (moyenne 2010-2019)
- Population hivernante de Chausey : < 80 à 230 individus
L’espèce est présente toute l’année. Les nicheurs s’installent sur les îlots à partir de mars. Les poussins désertent les îlots en août. La quasi-totalité des îlots est occupée. La population nicheuse de goéland marin a montré une croissance importante et elle est l’une des principales colonies françaises, sinon la principale. Il semble bien toutefois que la tendance à une légère diminution décelée depuis 2014 se confirme. Elle est peut-être à relier à la très faible productivité des couples nicheurs comme le montrent nos mesures : sur huit années, la productivité doit être considérée comme mauvaise. Par ailleurs, comme tout super-prédateur, l’espèce est particulièrement contaminée par les métaux lourds et les substances de synthèse (composés perfluorés : PFAS, par exemple). Les premières approches de ce problème que nous avons effectuées, le montrent déjà.
Les recensements hivernaux de cette espèce doivent se faire aux dortoirs et sont donc difficiles à mener : il semble toutefois que l’hivernage du goéland marin dans l’archipel décroît puisqu’il y a 10 ans, on l’estimait à environ 700 individus mais cette estimation était plus un effectif-record qu’une moyenne.
Goéland brun
- Population nicheuse de Chausey : 27 couples (moyenne 2010-2019)
L’espèce n’est présente à Chausey que de fin février à septembre essentiellement au moment de la nidification ; il ne semble pas que l’archipel soit un lieu de halte migratoire notable et l’hivernage ne concerne au plus que 1 ou 2 individus. La population se trouve désormais à un niveau très bas, l’espèce n’étant plus qu’un nicheur résiduel à Chausey
Pour se reproduire, elle recherche les secteurs de pelouses d’herbacées assez hautes : le goéland brun construit un nid souvent partiellement dissimulé sous une touffe, nid qu’il gagne à pied à partir d’un point d’atterrissage ou d’envol qui forme un couloir marqué dans la végétation herbacée.
Le goéland brun est menacé et limité par la prédation des rats liée aux dérangements et à l’évolution de la végétation qui devient plus arbustive qu’herbacée sur les îlots.
Goéland argenté
- Population nicheuse de Chausey : 437 couples (moyenne 2010-2019)
- Population hivernante de Chausey : 178 individus (moyenne sur 6 hivers)
Le goéland argenté fut longtemps l’espèce la plus abondante de l’archipel ; ce n’est plus le cas. Après un très fort déclin amorcé depuis 1985, les effectifs sont depuis 2006 inférieurs à ceux découverts en 1959 lorsque la colonie est découverte par Ferry ; la population nicheuse de la réserve semble se stabiliser à un niveau très bas depuis 2016.
Le goéland argenté a subi un certain nombre de facteurs négatifs qui ont décimé sa population. Parmi les facteurs identifiés, on peut lister les dérangements, la prédation par les rats, la concurrence du goéland marin, le manque de nourriture, les tirs de dissuasion ou les tirs létaux sur les bouchots, la pollution. Il ne semble pas que, dans les conditions actuelles, cet effectif puisse ré-augmenter : le suivi de la production en jeunes, mis en place en 2015, montre que la productivité est mauvaise (par exemple, 0,69 en 2019).
Sterne pierregarin
- Population nicheuse de Chausey : 48 couples (moyenne 2010-2019)
L’espèce est présente sur la réserve en période nuptiale et en migration. Les nicheurs se cantonnent sur les îlots à partir du mois de mai pour nicher en juin. Fin juillet, les premiers juvéniles sont observés dans l’archipel. Plusieurs îlots sont occupés plus ou moins régulièrement dans la partie occidentale de l’archipel.
Les effectifs nicheurs de sterne pierregarin sur Chausey ont connu une forte augmentation de 1984 à 1999, puis, ils ont fluctué pour enfin à nouveau progresser.
La menace principale est le dérangement qui entraîne un envol des nicheurs qui, s’il est brutal, conduit d’emblée à la casse des œufs qui tombent des plaques incubatrices sur le rocher. Sinon, les œufs peuvent être la proie des rats (parfois des goélands ou des corneilles).
Enfin, un problème nouveau et de fréquence croissante est la submersion des nids lors des tempêtes printanières et que seul des nids aménagés peuvent contrecarrer (coupes avec sable empêchent les œufs de rouler).
Sterne de Dougall
- Population nicheuse de Chausey : 3 couples (moyenne 2010-2019)
L’espèce est présente sur un îlot, différent d’une année à l’autre, au sein des groupes d’autres sternes nicheuses.
La population nicheuse française de sterne de Dougall est extrêmement faible et son implantation en 2011 à Chausey est donc un réel événement. Sans doute encore précaire, elle semble pourtant en voie de se pérenniser. Chausey est le seul site normand nidification de l’espèce.
Sterne caugek
- Population nicheuse de Chausey : 35 couples (moyenne 2010-2019)
- Population hivernante de Chausey : 4 à 6 individus
La reproduction de la sterne caugek à Chausey est relativement ancienne, mais très irrégulière, elle semble pourtant en voie de se pérenniser. Chausey est le seul site normand de nidification de l’espèce.
L’espèce est présente en général sur un seul îlot occupé par cette espèce très coloniale lorsqu’elle niche. Il faut aussi signaler la présence de groupes très importants d’oiseaux en stationnement postnuptial l’été avec des effectifs atteignant parfois 800 individus.
L’hivernage de la sterne caugek à Chausey est maintenant établi et devrait se développer comme ailleurs en Normandie.
Galerie photos
Toutes les photos ont été réalisées par des ornithologues du GONm, lors des décomptages annuels, et en veillant à ne pas déranger les oiseaux.
Si vous voyez un poussin ou un oiseau sur un nid : ne vous approchez pas !
Vous risquez :
- de le déranger,
- d'éventuellement écraser des œufs ou des poussins que vous n'aurez pas vus,
- de faire abandonner la nichée par les adultes à cause du dérangement occasionné,
- de vous faire attaquer[1] par un adulte qui voudra défendre son nid ou ses poussins (qui peuvent être cachés et invisibles)
[1] à savoir : les goélands n'attaquent pas avec le bec : ils tapent le haut du crâne de l'importun avec leurs pattes, les griffes peuvent éventuellement faire saigner la peau du crâne.